C'est une projection qui semble aujourd'hui incroyable et pourtant c'est ce que l'on a pu entendre au cours d'une conférence sur la réalité du changement climatique en Bourgogne-Franche-Comté, lors de la 1ère Journée Régionale de la Donnée et de la Connaissance qui s'est tenue à Dijon le 25 Juin.
D'abord, bien faire le distinguo entre la notion de météo et la notion de climat. On ne parle pas de la même chose. Bruno Vermot-Desroche, chef du centre Météo-France de Besançon a su dès le début de son intervention capter l'attention de son auditoire.
" La météo, ce sont les conditions météorologiques au jour le jour. Le climat, c'est la moyenne de toutes les conditions météorologiques observées sur une longue période de temps d'au moins 30 ans. "
Ensuite, chasser les idées fausses. Une démonstration toute simple juste en posant une question : " y avait-il plus de neige autrefois? " Sur l'écran, une photo de paysage très enneigé. Dans la salle on pressent le piège... Oui, serait-on tenté de dire. Oui, dans nos souvenirs d'enfance, les hivers étaient beaucoup plus enneigés qu'aujourd'hui.
Mais est-ce bien vrai ?
Le chef du centre Météo-France de Besançon poursuit : il a demandé à sa grand-mère... qui elle aussi se souvient d'hivers plus enneigés. Et, dit-il, si on posait la même question à nos enfants, que diraient-ils ? Eux aussi, sans nul doute auraient la même réponse car ils se souviendraient d'avoir profité de la neige à un moment donné où il y en avait beaucoup... même si cela n'a duré que quelques jours.
Alors que faut-il en conclure ?
Les affirmations de chacun, les souvenirs, les ressentis, sont certes basés sur des réalités vécues mais ne sont pas forcément utiles pour faire une comparaison sur l'évolution du changement climatique. Nos souvenirs correspondent à un temps T, un jour J, un fait ponctuel.
Quel climat en Bourgogne-Franche-Comté ?
A cette question, la réponse est facile : climat continental. Oui, mais... Bruno Vermot-Desroche apporte une réponse plus nuancée. " Si vous poussez plus à l'est, du côté de Moscou, le climat est aussi continental. Que penseraient les Moscovites du climat à Dijon ? " Effectivement... Sourires amusés, on est d'accord: tout est relatif...
Et le météorologue ajoute qu'à l'échelle du climat (rappelons le : sur de longues périodes) la Bourgogne-Franche-Comté bénéficie plutôt d'un climat océanique, doux et arrosé. Il y fait froid, mais il faut relativiser : c'est un a priori par rapport à la réalité. Ce qui est certain c'est que notre climat est le plus continental de France.
Les conditions météorologiques, en Bourgogne-Franche-Comté, sont extrêmement variables. Et la température moyenne se situe entre 10 et 11 C°. Bruno Vermot-Desroche insiste sur le fait qu'il s'agit bien d'une température moyenne que nous ne vivons pas comme telle au jour le jour bien sûr.
Quant aux précipitations, elles ne manquent pas, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Globalement il tombe du ciel 1 mètre d'eau par an : en moyenne 1 187 millimètres. Autrement dit, tous les mois de l'année sont arrosés. Mais attention, puisqu'il s'agit d'une moyenne, on ne compte pas pas en nombre de jours. On le sait, on l'a vu : il peut pleuvoir beaucoup en peu de temps, puis plus rien pendant longtemps...
Ça chauffe ! + d'eau et pourtant + de sécheresse
Le réchauffement climatique est évident sur les courbes de températures relevées par Météo-France. Depuis la révolution industrielle du 19e siècle, la hausse se dessine doucement, elle monte dans les années 1900 et plus le temps avance, plus elle s'élève de façon affolante sur les 30 dernières années.Bruno Vermot-Desroche explique : " il fait plus chaud parce qu'il fait moins froid. Tout augmente, surtout les minimales. " Et il précise qu'aujourd'hui il tombe 10% de précipitations en plus qu'avant. "La moyenne augmente, dit-il, parce qu'il n'y a plus de valeur faible ". Il poursuit : " Il fait plus chaud, la nature a besoin de plus d'eau, et la conséquence c'est la sécheresse ".
Et oui... mis à part le sud, le pourtour méditerranéen, la France est plus arrosée qu'autrefois !
Pourquoi le climat change?
Les variations climatiques glaciaires et interglaciaires ont été expliquées par la théorie des cycles de Milankovitch. Cette théorie permet d'expliquer des changements des saisons en relation avec des changements de l'orbite de la terre autour du soleil.Mais pour la première fois, le réchauffement climatique est lié à l'activité humaine depuis le début de l'ère industrielle. L'émission de gaz à effet de serre a changé la donne. Le dioxyde de carbone met 100 ans à se biodégrader. Le méthane met 12 ans.
Divers scénarios ont été construits pour tenter de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
Au mieux d'ici 100 ans, les scientifiques espèrent stabiliser le réchauffement climatique à 2 C°. Mais il ne redescendra pas.
Malgré les simulations faites sur le réchauffement climatique et ses conséquences, il subsiste beaucoup d'incertitudes. L'influence des efforts entrepris ne pourrait se faire ressentir qu'aux alentours de 2040-2050.
Jamais le climat ne s'est réchauffé aussi vite. Un tel niveau de réchauffement se conçoit sur des milliers d'années.
Quel impact ?
On le voit déjà. La canicule de 2003, dont tout le monde se souvient, va devenir la norme dans quelques années. Alors que la température estivale record tourne aujourd'hui autour des 40 C°, on estime que dans 50 ans, elle sera autour des 50 C°.L'impact du réchauffement climatique se voit depuis plusieurs années. La récolte des foins se fait 15 jours plus tôt. Les vendanges sont de plus en plus précoces. Les risques de gelée tardive montent en flèche au printemps avec la reprise de végétation de plus en plus avancée.
Le sud gagne vers le nord... chaque jour un peu plus. C'est ce qu'explique Bruno Vermot-Desroche. Il donne une mesure imagée : chaque jour on fait 10 mètres environ vers le sud, 3 à 4 kilomètres par an, 400 kilomètres dans 100 ans.
Dijon et Besançon ont aujourd'hui le climat qu'il y avait à Lyon il y a une trentaine d'années. Dans 100 ans on peut imaginer que Dijon et Besançon auront le climat des villes de Grèce ou de Toscane aujourd'hui.
Quant aux épisodes caniculaires, ils vont devenir de plus en plus fréquents. Une année sur deux à partir de 2050-2070.
Pour en savoir plus:
• ClimatHD : le climat passé et futur en France : une application de Météo-France sur le changement climatique: températures, vagues de chaleurs, tempêtes … à l'échelle nationale et régionale, avec une abondance de cartographies et des graphiques sur les anomalies de températures.• Driasles futurs du climat apporte la réponse aux acteurs socio-économiques concernés par l'adaptation au changement climatique : il fournit des projections climatiques régionalisées réalisées par les laboratoires français de recherche sur le climat.